À PARAITRE

Les films de Rina Sherman, notamment sa collection de ciné-portraits, contribuent à la réflexion sur le regard porté à l’autre et sur la construction de la réalité filmique. Chaque film naît d’une rencontre entre la cinéaste et la personne filmée, fondée sur la mise en scène improvisée de la parole. Le portrait résulte d’une élaboration singulière de la réalité, ancrée dans l’instant du tournage et façonnée par les échanges, la mémoire, la subjectivité des participants ainsi que par le montage.

Pour Rina Sherman, la réalité objective n’existe pas ; la réalité filmée est le résultat d’une interaction entre la présence de la caméra, celle du ou des sujets, et le regard de la cinéaste : le portrait de l’autre devient aussi une forme de miroir de la cinéaste. Sans scénarisation, Rina Sherman ouvre la voie à la genèse du portrait, attentive à l’imprévu, permettant aux personnes filmées de « donner corps » à leur récit, tandis que la structure du film s’élabore à travers le dialogue et un travail sensible au ressenti.

Les films sont à la fois archive et reconstitution, mettant en lumière les mécanismes de sélection et d’oubli qui façonnent notre rapport au présent et à l’histoire. Ils incitent le spectateur à reconnaître la part de subjectivité, de choix et d’interprétation dans tout acte de transmission filmique, dépassant la simple documentation pour devenir une forme de vérité « cinématographique », fondée sur le mouvement, la parole vivante et le dialogue de l’instant présent.

À travers le regard, la relation à l’autre et la mémoire, l’œuvre de Rina Sherman met en relief le rôle du cinéma dans la construction et à la compréhension de la réalité humaine. Son « cinéma du regard singulier » souligne la force des liens humains et la présence active de la mémoire, tout en questionnant la séparation habituelle entre observateur et sujet dans la représentation du réel à l’écran.